Pour nombre de voyageurs, le nord du Chili évoque le désert d’Atacama, mais aussi les mines ! Car finalement l’un ne va pas sans l’autre. La richesse du sol chilien est incontestable et avec elle l’histoire centenaire de son exploitation. Afin d’en apprendre plus sur cette activité, encore aujourd’hui ultra-développée dans le pays, nous avons visité les anciennes mines de Humberstone et Santa Laura.
Informations pratiques sur Humberstone et Santa Laura
Se rendre sur place
Certains choisiront le tour organisé, d’autres l’excursion en autonomie. Dans tous les cas, le départ se fera de la ville côtière d’Iquique à 45 kilomètres des deux anciennes cités minières.
Nous avons opté pour la deuxième solution en empruntant les bus de la compagnie Santa Angela. Le trajet dure environ 45 minutes et il y en a tous les quarts d’heure. Pour le retour à Iquique, il suffit de se rendre à l’arrêt au bord de la route et de prendre le premier qui passe. Surtout, n’attendez pas qu’il s’arrête de lui-même, faites des signes.
Coût : 2000 CHL par personne aller.
L’entrée des deux sites est payante. Vous pouvez de plus assister à un tour guidé sur place pour lequel il faut ajouter un supplément. Nous ne connaissons cependant pas le prix.
Coût : 4000 CHL par personne
Heures et jours d’ouverture : Tous les jours 9 h – 18 h (19 h en été de décembre à mars).
Patrimoine industriel
Les deux anciennes mines de Humberstone et Santa Laura sont classées au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2005. Et c’est, là, la raison de notre visite sur le site !
Pour ceux qui restent insensibles à l’idée que ce type de lieux puissent jouir d’un classement aussi prestigieux, imaginez-vous ceci : ces sites, abandonnés aujourd’hui, sont les témoins du développement de l’économie chilienne à travers l’exploitation minière depuis plus de 100 ans. Ce n’est pas rien.
De plus, ce ne sont pas les mines à proprement parler qui se visitent, mais plutôt les lieux de vie. Car c’est la conservation de vrais villages qui est en jeu. Leurs habitants étaient constitués des ouvriers, ingénieurs, directeurs et de leur famille. On retrouve l’école, l’église, le supermarché/boulangerie/boucherie, le théâtre, la place principale, etc., en plus des bâtiments de travail.
Les employés n’étaient pas juste des mineurs, ils vivaient la mine. Ils en étaient empreints jusqu’au fond de leur être.
Actuellement, les personnes qui travaillent « dans la mine », qu’ils soient ouvriers ou chefs de chantier, vivent aussi sur place. À trimer 12 heures par jour, les employés seraient bien mal pris de rentrer chaque soir, ou matin, chez eux. Alors ils logent sur place, s’épuisent en continu pendant 5 ou 7 jours, puis ont la même quantité de jours de repos ensuite. Et ainsi de suite.
Exploitation de salpêtre : pourquoi ?
Aussi connu sous le nom de nitrate de potassium, cet agent chimique a eu de nombreuses utilisations au cours des 19e et 20e siècles. Ses destinations principales étaient les engrais, mais surtout l’armement. Autant vous dire que l’on comprend vite pourquoi la production chilienne était tant attractive pour l’Europe au siècle dernier.
Humberstone : La mémoire des luttes ouvrières
C’est à Humberstone et Santa Laura que l’on a découvert le passé peu glorieux des luttes ouvrières au Chili.
Comme un peu partout à travers le monde pendant l’essor de l’ère industrielle, ce sont les ouvriers qui ont été le moteur de manifestations et grèves chiliennes durant le XXe siècle.
Une salle d’exposition est consacrée à cette question pendant la visite du lieu. Et plus particulièrement sur le massacre de l’école Santa Maria de Iquique, le 21 décembre 1907.
Autopsie d’un passé sombre
Massacre.
Le ton est donné dans l’intitulé.
Et les faits sont éprouvants à lire. Des d’ouvriers, nationaux et étrangers (nombreux Boliviens et Péruviens travaillaient dans les mines du pays) se sont soulevés afin d’être payés en monnaies courantes, et non en bons comme c’était le cas à l’époque. Ceux-ci étaient valables uniquement dans les commerces des mines qui pratiquaient des prix plus élevés.
La grève débute le 4 décembre chez les ouvriers des chemins de fer puis s’étend vite aux officinas minières rassemblant des milliers de travailleurs. Après en avoir bloqué plusieurs pendant quelques semaines, ceux-ci décident de continuer leur lutte à Iquique. Cette grande ville leur permettrait de faire connaître leurs revendications à une plus grande échelle.
Après plusieurs jours d’états généraux et de négociations, le conflit patine. Le gouvernement sur Santiago et les entreprises refusent les demandes des ouvriers. Mais ceux-ci n’abandonnent pas leur cause.
Mais finalement, le président donne l’ordre à l’armée d’intervenir pour mettre fin à la situation. Les grévistes retranchés à l’école Santa Maria sont sommés d’arrêter leur mouvement par les forces armées chiliennes. Mais ceux-ci ne cèdent pas. L’armée attaque alors à coup de mitraillettes les murs fins de l’école puis poursuit les rescapés au fusil.
Le récit des témoins survivants est troublant. Des hommes et femmes sans défense et pacifistes tués par l’armée nationale.
Le bilan de l’époque dénombre une centaine de victimes. Les historiens actuels, après études des archives, énoncent plutôt plusieurs centaines. Un massacre.
La mémoire des Humains
On pourrait dire que c’était il y a bien longtemps. Cela fera 110 ans exactement à la fin de cette année. Que les avancées sociales et autres manières de « gérer » les revendications sociales ont bien changé depuis.
Mais finalement, on apprend dans la dernière salle d’exposition que de nombreuses répressions sanglantes ont eu lieu tout le long du 20e siècle au Chili.
Ce pays considéré comme le plus stable économiquement de l’Amérique du Sud cache une réalité sociale à nuancer.
Cette richesse s’est construite sur l’industrie minière et la misère de familles pendant des décennies. Ceux-ci trimant dans des conditions inhumaines, pour des salaires ridicules, alors que le Chili s’enrichissait de leur travail tout en les réprimant.
Visite de lieux abandonnés de Humberstone
Les amateurs d’urbex (urban exploration) seront conquis en visitant ces vestiges d’un autre temps.
Sous un soleil de plomb et un ciel sans nuage, ces anciennes zones habitées ont des allures de décors de western.
Les sites d’Humberstone et Santa Laura, fermés en 1960, semblent pourtant figés dans les années 1920. Les vieilles locomotives rouillées gisant dans un coin, les sièges usés et poussiéreux du théâtre, tout nous rappelle à une vie isolée et austère.
On arpente les rues fantômes aux murs décrépis en s’imaginant les histoires des ouvriers et de leurs familles dans ses maisons vides.
On prend conscience de l’ampleur du lieu en montant au mirador. À l’est, on aperçoit les montagnes de la cordillère des Andes surplombant les étendues chaudes et oranges du désert d’Atacama.
Figé, abandonné, cassé.
Déchets industriels et vieilles automobiles jonchent encore le parcours du spectateur dans ce film à échelle humaine.
Iquique
Personne ou presque ne nous a conseillé de visiter cette ville du Nord. Ville industrielle coincée entre d’immenses dunes et l’océan Pacifique, elle reste peu intéressante pour majorité des voyageurs.
Pourtant, nous avons eu l’occasion de nous y promener une journée sous un climat agréable.
Déjà les bords de l’océan sont aménagés en une douce promenade. D’ici, on regarde les surfeurs pros ou débutants narguant les vagues puissantes du Pacifique.
Puis une longue rue piétonne traverse le centre historique et permet la découverte des principaux monuments de la ville comme la tour de l’horloge. Sur la route, le musée régional, gratuit, est plus que conseillé pour comprendre cette région d’une richesse paléontologique importante.
Iquique, ainsi que les mines de Humberstone et Santa Laura, resteront une escale plus que mémorable dans nos 6 mois au Chili. Un mélange de dépaysement temporel et d’immersion dans l’histoire sociale du pays.
Pour plus d’image, nous vous invitons à visionner notre vidéo sur notre visite de Iquique ainsi que du village fantôme de Humberstone :
Wahou c’est super intéressant comme arrêt historique à faire. Merci de nous y avoir emmenés.
Merci 🙂 En effet peu de personnes connaissent cette histoire, d’où l’importance de la transmettre !