En septembre 2019, nous sommes partis depuis Lyon en train puis ferry pour rejoindre le départ du GR20 nord en Corse. Un projet de longue date qui est né lors de nos aventures sud-américaines. Randonner sur le long terme dans des paysages incroyables et dans le dépassement de soi étaient nos motivations dans ce voyage.
L’itinéraire prévu GR20 nord - sud
Avant le départ, nous avions étudié les 16 étapes du GR20 et prévu de le faire en 13 jours en doublant 3 étapes (voir détails plus bas). On vous le dit tout de suite, Laura est tombée malade la première nuit avant le départ ce qui a complètement chamboulé nos plans. Au lieu de réaliser le GR20 au complet, nous avons finalement fait la partie nord de Calenzana à Vizzavona en parcourant une étape par jour, soit 9 jours de randonnée pour boucler le GR20 nord.
Un plan pas vraiment " à toutes épreuves "
Le premier problème de notre plan est que nous n’avions pas de marge. On commençait le GR20 le 1er septembre et notre ferry retour était le 14 à Porto Vecchio. Donc soit on le réalisait en 13 jours, soit on ne le finissait pas. Si nous avions eu plus de marge, on aurait peut-être pu le finir en 16 jours. Mais à vrai dire Laura avait beaucoup souffert, en plus du virus qu’elle a attrapé au départ, d’un syndrome rotulien qui s’est réveillé pendant les premiers jours du parcours.
Bref, prévoir un peu de marge est vraiment une bonne idée. Le reste de cet article est un récit jour par jour de notre itinéraire dans le GR20 nord en Corse. Si vous souhaitez avoir des informations pratiques sur notre préparation et notre équipement pour cette grande randonnée, nous vous renvoyer vers notre article sur nos conseils pour préparer le GR20.
[Ce récit est raconté par Laura]
Étape 1 — Calenzana à Ortu di u Piobbu
Le départ
Le réveil n’a pas eu le temps de sonner. Nous étions déjà tous les deux éveillés à 5 h 15. Un peu d’effervescence dans le camping de Calenzana déjà, et surtout beaucoup d’impatience de notre part pour commencer cette première journée.
La nuit n’a pas été folle. Beaucoup de bruit dans un camping bondé. Nous étions apparemment 180 entre le camping et le refuge à démarrer le GR20 ce dimanche matin. Je n’ai pas bien dormi. Un mal de gorge m’a gêné toute la nuit… Pas très bon signe pour commencer nos 13 jours de randonnée, mais on verra.
On plie les affaires, prend un rapide petit déjeuner et on quitte Calenzana. Le soleil pointe déjà le bout de son nez. Il fait beau, ciel sans nuages. On espère arriver à Ortu di u Piobbu, le 1er refuge, avant les orages annoncés en début d’après-midi.
Ceci n’est pas une randonnée classique
C’est environs 1 300 mètres de dénivelé positif que nous avons bouffé pendant plus de 6 h de marche. De la marche vraiment ? Déjà nous nous confrontons aux premières mains courantes et épreuves d’escalade. Surtout mon vertige et moi à vrai dire. On perd presque 30 min, car j’ai paniqué en descendant en rappel une paroi de moins d’un mètre cinquante. Si à ce moment j’avais su que je devrais faire bien pire dans les jours qui suivront, ça m’aurait aidé à relativiser.
Nous arrivons au refuge 7 h 40 après être partis. Pierre va voir le gardien pendant que je me mets en quête d’un espace plat ou poser la tente. Le terrain est complètement en pente, les meilleures places sont prises depuis plusieurs heures. On trouve finalement un endroit pas trop mal. La vue est belle, on s’installe rapidement puis on va manger. L’orage tombe, mais nous sommes à l’abri et contrairement à plusieurs de nos voisins, nos affaires sont restées au sec. Une douche chaude (la dernière avant quelques jours), un autre repas puis au lit. À 21 h, la fatigue l’emporte.
Demain est un autre jour.
Étape 2 — Ortu di u Piobbu à Carrozu
Ajustement et acclimatation
La nuit a été calme et le départ est rapide. Vu que je ne suis pas en très grande forme, on fait quelques ajustements dans la répartition des affaires. Pierre récupère mon appareil photo (la raison pour laquelle je n’ai que 4 photos de ce jour-là) et on échange de bâtons. Les siens sont beaucoup plus légers et simples à manier pour moi dans les montées.
Et quelles montées … Comme toutes les journées qui suivront, l’étape 2 commence par une grosse montée, très technique, avec de l’escalade, des rochers à sauter, etc. Puis une partie assez longue dans des crêtes, où on monte, on descend, principalement en escaladant. Nos sacs à dos, même optimisés, font environs 12/13 kg et sont clairement une entrave à notre agilité. Nous faisons une partie du chemin avec un groupe organisé. Leur guide, Christophe, est vraiment sympa et donne plein de conseils à Laura sur comment mieux appréhender le terrain corse. Ce sera un vrai plus pour la suite.
La fin, c’est une descente interminable. Et c’est sûrement la grosse difficulté pour moi, car j’ai du mal à avancer sur les terrains techniques en descente. Ma gorge me gène, j’ai eu du mal à respirer à plusieurs reprises dans des moments d’effort intense.
En attendant l’orage
Il nous aura fallu encore un peu plus de 7 h pour avaler les 740 m de dénivelé positifs et les 450 m de dénivelé négatifs avant d’arriver à Carrozzu. Encore une fois, le terrain est déjà très occupé et on trouve tant bien que mal une place pour installer notre tente dans la forêt. On part trouver du réconfort dans le gâteau au chocolat maison vendu au refuge et on retrace la journée avec d’autres randonneurs. La douche est froide et on se dépêche de retourner à la tente quand l’orage commence, car nos affaires ne sont pas à l’abri cette fois. Une fois passé, on retourne vers le centre du camping et des personnes nous informent qu’ils ont entendu crier à l’aide pendant l’orage. Tout finira bien, mais on garde en tête que la montagne est un lieu empli de danger, surtout quand les éléments se déchaînent.
Demain est un autre jour.
Étape 3 — Carrozu à Asco
Entraves et châtiments
On essaye de partir plus tôt ce matin-là. Les terrains de camping n’étant pas adaptés à l’afflux de personnes, on veut mettre toutes les chances de notre côté pour avoir de meilleures places. Une stratégie que nous ne sommes pas les seuls à mettre en pratique !
Le sentier nous met rapidement dans l’ambiance avec un peu d’escalade pour commencer et une gentille passerelle de la mort dès le départ. Ensuite, c’est encore beaucoup de montées, un peu plus de 700 m sur près de 9 kms. Technique, mais moins que les précédentes. On commence à parfaire notre connaissance du terrain et chaque nouveau jour nous permet de mieux appréhender celui qui suivra. Encore une fois, la descente est impardonnable. Elle casse les jambes, articulations et muscles, par sa technicité. À l’arrivée à Asco, je n’ai plus de voix. Enfin, ça fait déjà plusieurs heures que j’ai arrêté de parler. Malgré Pierre qui m’accompagne, cet isolement vocal ajoute de la difficulté à la partie.
Un peu de douceur dans ce monde de brute
Mais le refuge d’Asco est un gros réconfort. L’espace pour camper est assez grand et on trouve de la place pour s’installer et surtout faire sécher la tente qui était encore trempée en partant ce matin. La douche est tiédasse, mais au moins on est plus à l’abri que la veille. On en profite aussi pour laver quelques vêtements et les faire sécher sur place en profitant des derniers rayons de soleil.
Et le plus du jour, ce sont les snacks et approvisionnements sur place. On s’enfile deux barquettes de frites et je trouve même du miel pour ma gorge. Cela nous donne du baume au cœur. Nous finissons la journée par petit repas végé (chili sin carne avec seitan) acheté à l’épicerie de l’hôtel à côté et consommé dans la chaleur, toujours accompagné d’autres compagnons de galères.
Demain est un autre jour.
Étape 4 — Asco à Tighjettu
L’ultime défi ?
La routine matinale est bien mise en place. Et pour cette grosse journée, le départ se fait à la frontale. La quatrième étape tant redoutée. La plus dure. Une montée éreintante. Un terrain glissant, semblant se dérober sous nos pieds. Encore de l’escalade, beaucoup d’escalade. D’un côté, on est plus à l’aise avec ce terrain, car les trois jours précédents ont été un bon entraînement. De l’autre, la fatigue accumulée se fait sentir et on aimerait que cela se termine. Enfin, est-ce vraiment de la rando ?! Quand à chaque fois qu’on lève les yeux pour essayer d’apercevoir un sommet, ou juste le chemin, on se confronte à un mur hostile.
Je n’arrive plus à parler. Je n’essaye même pas en fait. Ce n’est pas vraiment douloureux, mais ma respiration est gênée par ce sale virus. Je me sens telle une guerrière contre un environnement hostile, affrontant un terrain imprévisible pour atteindre notre objectif. Au sommet, on en profite pour se poser une demi-heure. Un snack amélioré. Quelques photos et vidéos. Certains continuent vers le Monte Cinto (point culminant de la Corse), mais nous prenons la direction de la descente.
Parce qu’après avoir gravi 1 100 mètres de D + pour atteindre 2 600 mètres d’altitude, ce sont 800 mètres de D – qui vous nous casser les pattes avant l’arrivée au refuge de Tighjettu. Un randonneur que nous avons souvent croisé se joint à nous pour la descente, encore un Pierre. Cet ajout donnera une petite touche agréable non négligeable à la fin de cette journée.
Abandon, j’écris ton nom
À quelques centaines de mètres du refuge, je craque. Cette descente m’a fini. Je suis à bout de force, enfermée dans mon mutisme depuis le début de la journée. Arrivés à Tighjettu, c’est une nouvelle fois la recherche d’une place, pas trop en pente, pas trop inondable, etc. Pierre installe la tente pendant que je m’occupe de nous préparer une soupe réconfortante. Après un départ un peu difficile avec le chef du refuge, nous passons la fin de journée dans l’espace commun intérieur avec un petit groupe de randonneurs.
C’est ce soir-là que nous prendrons la décision de ne pas finir le GR. Nous devions doubler les deux étapes suivantes 5-6. Cependant, ma santé, et mes genoux qui flanchent ne vont pas nous permettre de doubler et donc d’être dans les temps pour notre ferry le 14 septembre. On continuera une étape par jour jusqu’à Vizzavona, fin du GR20 nord et étape 9 du GR.
Demain est un autre jour.
Étape 5 — Tighjettu à Castel di Vergio
Avancer malgré tout
Qu’il a été difficile de se lever ce matin-là ! On sent clairement une baisse de moral et de motivation. Sûrement due à la décision prise la veille de ne pas finir le GR20… On range tant bien que mal la tente avant de prendre notre petit-déjeuner. Qu’est-ce que les gâteaux et tartines de confitures peuvent manquer dans ces moments-là ! On se contente de notre gruau préparé d’avance, le même depuis cinq jours. Puis on continue notre bout de chemin.
L’étape 5 est assez courte jusqu’au refuge Ciottulu di i mori. On entame par une descente, on passe devant une bergerie où d’autres se sont arrêtés pour finir l’étape 4. Puis la montée commence, cette fois assez douce. À peine quelques kilomètres et 600 m de D+, nous arrivons à bocca foggiale. Nous décidons de prendre une alternative qui nous permettra de prolonger un peu la journée, en économisant une montée, et de gagner du temps sur la longue étape 6.
Après avoir descendu dans la vallée, rencontré quelques vaches et fait une pause à côté d’une bergerie fermée, nous traversons un bois pendant environ une heure et demie. Cette partie-là nous semble interminable bizarrement. Pourtant, c’est sûrement la partie du GR20 nord la plus plate et tranquille que nous ayons fait.
Le repos du guerrier
Mais il faut dire qu’on a déjà 12 kms et 800 m de D + et D — dans les pattes avant d’entrer dans la forêt, donc un besoin de repos se fait sentir. Nous arrivons au Castel di Vergio, une station de ski avec accès à la route, on a un peu l’impression de retrouver la civilisation. Et même si le terrain est moins joli que d’autres refuges. Il est très plat et avec beaucoup de places. Des douches chaudes à disposition, une épicerie où se réapprovisionner en chips, fromage et pain : un pur bonheur sur le GR. On s’installe sur les tables extérieures pour prendre un petit apéro improvisé avec d’autres randonneurs. Les discussions de fin de journées sont certainement les meilleurs souvenirs du GR. Nous partageons tout avec nos compagnons de rando, des rires aux pleurs parfois. On trouve du réconfort et de l’évasion dans les personnes rencontrées. On prend le temps de se reposer et ça fait du bien.
Demain est un autre jour.
Étape 6 — Castel di Vergio à la bergerie Vaccaghja
La cerise sur le gâteau
L’étape 6 est une des plus longues de la partie nord, mais aussi une des plus belles et des plus tranquilles ! Bon, malgré l’avance que nous avons prise la veille en dormant à Castel di Vergio, 15 kms et presque 600 m de dénivelé positif nous attendent.
Et je ne suis toujours pas très en forme. Ce virus ne me quitte pas et la fatigue physique accumulée sur les longues et difficiles journées se fait sentir. De plus, le terrain très technique a réveillé de vieilles douleurs aux genoux… Outch. Mes jambes, mon outil principal dans cette aventure, commencent à me faire défaut. On avance tranquillement dans un bois, le terrain est plutôt agréable et la montée douce pour une fois. On est bien et arrivés au premier point de vue on apprécie le paysage malgré le vent bien frais ! D’ailleurs, d’après la forme de certains arbres, le vent doit être assez fréquent ici !
Le chemin continue en descente pour arriver sur le second point de vue, époustouflant, du lac de Nino ! Ce fameux lac au creux des montagnes où vivent des chevaux sauvages. On fait une longue pause à cet endroit, principalement parce que je me mets à saigner fortement du nez (merci le rhume). Mais avec une belle vue comme ça, on ne va pas se plaindre.
Un monde, deux ambiances
Puis on continue le sentier en contournant le lac. Un hélicoptère nous survole. Peut-être des blessés ? Puis il revient et fait encore 2 aller-retour. Finalement, on découvrira que c’était un groupe de riches (appelons un chat, un chat) qui se font des petits plaisirs à pique-niquer au milieu de plaines sauvages en étant transportés en hélico plutôt que par leurs petites jambes… On est un peu déstabilisé devant ce tourisme hyper énergivore et complètement à l’opposé de tout ce qu’on a pu vivre sur le GR20.
Le reste du chemin est de la descente et du plat, mais sur un terrain assez technique pas forcément agréable même si on a connu pire.
Finalement, nous arrivons assez tôt à la bergerie Vaccaghja. Ce n’est pas la fin officielle de l’étape 6 qui est quelques kilomètres plus loin. Mais nous décidons de nous arrêter ici sur les conseils d’un guide corse ! Et ce sera sans regret. Après avoir installé la tente, nous profitons de l’espace partagé pour manger un bout de fromage de la bergerie et discuter avec les autres marcheurs. Et l’autre plus de la journée sera aussi la super douche bien chaude et bien aménagée de la bergerie. Une très belle découverte !
Demain est un autre jour.
Étape 7 — Bergerie Vaccaghja à Petra Piana
Accroche-toi si tu peux !
Nous sommes heureux que l’orage menaçant d’hier soir ne soit pas tombé dans la nuit. On sait qu’une montée nous attend dès le début et si le terrain peut être sec, c’est toujours ça de pris. Les troupes sont remotivées pour le départ et arrivée en haut de la montée après 2 h 30 seulement de randonnée, nous avons presque l’impression que le plus dur est fait. Faux !
On s’arrête pour profiter de la vue sur les lacs de Capitello et Melo en contrebas. Le temps est clair pour le moment, mais de la brume semble ressortir de la crête plus loin que nous devons suivre. On repart donc pour ne pas perdre trop de temps. La descente commence et rapidement nous arrivons sur une partie en rappel. Environ 5 mètres à descendre à flanc de rocher à l’aide d’une chaîne et de nos bras. Il y a du monde avant et après nous donc on a le temps d’étudier la descente. Surtout moi, qui suit toujours prête à une bonne crise de vertige. C’est notre tour, Pierre descend en premier et m’attend en bas pour me donner des conseils. Je me lance, mais avec la chaîne, qui me fait mal aux mains, je trouve ça encore plus difficile. Finalement, je descends directement à mains nues en m’aidant des roches. Une randonneuse, ayant vu mon mal être, descend à côté de moi pour me guider. Pas de moment de panique, mais quand j’arrive en bas je suis apparemment drôlement pâle. Je reprends mes esprits et on repart.
Le temps presse
La crête que l’on doit suivre n’a pas l’air d’être une partie de plaisir, complètement sous la brume. Nous prenons un chemin alternatif en contrebas qui rejoint moins d’un kilomètre plus loin le sentier principal. Le reste du chemin dans les crêtes est assez technique et long. Puis une montée et la dernière descente qui doivent nous emmener au refuge de Pietra Piana à 1800 mètres d’altitude pour passer la nuit. Plus on descend, plus la douleur des genoux est difficile, mais il faut continuer, car les nuages sont de plus en plus menaçants. Pierre prend les devants pour trouver une place et commencer à planter la tente. Le temps que j’arrive, elle est presque installée et je l’aide à mettre le au vent. Il part aider notre compagnon de rando pour installer la sienne, le temps que je me mette à l’abri.
Le refuge dispose d’une toute petite cuisine accoudée au dortoir (fermée pour cause de puces de lit, ce qui ne met pas spécialement en confiance…) où l’on va se réchauffer et reprendre des forces. On y retournera un peu plus tard dans la soirée et clairement l’espace est beaucoup trop exigu pour contenir la bonne centaine de campeurs. Dehors il pleut, personne n’est motivé à prendre une douche tellement l’aménagement ne donne pas envie. Bref, c’est après un repas mangé sur un bout de table rapidement que nous allons nous coucher, fatigués et refroidis.
Demain est un autre jour.
Étape 8 — Petra Piana à l’Onda
Sous le vent (et si tu crois que c’est fini…)
Nous avions sûrement passé une de nos pires nuits du GR au matin du 8e jour. Un vent violent s’était levé au milieu de la nuit. Le souffle puissant qui régnait sur le terrain de camping était impressionnant. De l’intérieur de la tente, difficile d’entendre autre chose que les hurlements du vent dans les arbres et à travers la montagne. Grosse ambiance. Le réveil a été difficile. On a préféré repousser le démontage de la tente pour se réfugier une fois encore dans la cuisine du refuge et prendre notre petit déjeuner.
Après avoir bien traîné en espérant que la tempête tombe, nous nous sommes finalement mis en branle pour ranger la tente et les affaires sous des bourrasques infatigables. Les conditions météo n’étant clairement pas optimales pour s’aventurer sur le sentier des crêtes ce matin-là, nous prenons la direction de l’alternative qui descend dans la vallée pour ensuite remonter par la forêt jusqu’au refuge de l’Onda.
Le vent nous souffle au début de la descente sous un ciel très menaçant. Puis il se dégage et les rayons d’un soleil réconfortant apparaissent. Une belle vision dans une vallée soudain illuminée. On savoure avec les autres randonneurs cette beauté climatique au cœur d’un milieu naturel préservé.
Une bergerie de plus à découvrir
À la fin de la descente, on fait une pause à la bergerie de la Tolla ! Le lieu est on ne peut plus bucolique et on apprécie notre chocolat chaud accoudé à la terrasse. Le reste de la randonnée est une montée de quelques kilomètres et 400 mètres de D + à travers la forêt. On longe un ruisseau et de petites cascades. On croise des randonneurs qui vont dans l’autre sens. On les connaît, car nous les avons déjà croisés auparavant. Ils ont doublé l’étape 6 et 7 et dormi au refuge de l’Onda la nuit passée. Ils nous racontent avoir aussi beaucoup souffert du vent, que de nombreuses tentes se sont envolées. Là-haut, la tempête est toujours forte. Le sentier de l’étape suivant passant par les crêtes est impraticable sous les rafales. Ils ont essayé, mais ont dû faire demi-tour. Ils redescendent donc pour prendre une alternative et pouvoir continuer le GR sans perdre trop de temps sur leur programme !
Le temps du réconfort
Nous arrivons tôt au refuge de l’Onda. Le ciel est dégagé, mais ça souffle encore beaucoup. Pour une fois, on ne se presse pas pour planter la tente et on va plutôt se mettre à l’abri dans le restaurant en se partageant bière et chips achetées sur place. On en profite pour réserver le repas du soir ! Un repas entièrement végétarien qui nous fait de l’œil.
On rejoint le terrain de camping. Il est équipé d’une cuisine ouverte et de douches payantes. Apparemment, le refuge et la cuisine intérieure sont une centaine de mètres plus hauts, mais fermés à cause des puces de lit. Nous installons la tente tant bien que mal sous le vent avec toutes les précautions possibles. Certaines de nos voisines tirent un peu la gueule et il y a carrément des cadavres de toiles échouées aux alentours.
La bergerie du gardien est adossée au flanc de montagne. À y regarder de plus, on voit que les chèvres se positionnent sur les roches de manière inattendue se fondant dans le paysage… Elles sont toutes tournées vers nous. Elles regardent, complètement immobiles, les campeurs qui s’installent. L’heure du repas tant attendu approche. On est au premier service, c’est la cohue au restaurant et l’organisation n’est clairement pas à son top niveau, mais peu importe. Le repas est composé d’une soupe de légumes, des lasagnes au brocciu (fromage frais typique corse) et épinard, puis d’une mousse au chocolat. Un repas simple et délicieux qui nous a tous et toutes conquis. Une dernière soirée mémorable sur le GR.
Demain est un dernier jour.
Étape 9 —L’Onda à Vizzavona
Nostalgie
Le dernier jour. Difficile de décrire notre état d’esprit ce lundi 9 septembre quand notre réveil a sonné. Déjà la fatigue, encore une fois la nuit a été mouvementée à cause de la tempête encore en cours. La motivation de défaire la tente, pour le 9e jour consécutif, n’est plus là. Mais il faut quand même y aller. On décide d’aller à l’intérieur du refuge, censé être fermé à cause des puces de lit, pour se réchauffer et prendre un petit déjeuner à l’abri. Dehors le soleil se lève tranquillement. Je sais déjà que les couleurs époustouflantes des levers de soleil dans la montagne corse vont me manquer.
Là, on fait le point. L’étape 9 qui nous attend pour rejoindre Vizzavona n’est pas si longue, mais emprunte un gros passage de crêtes déjà compliqué, mais encore plus dangereux dans les conditions climatiques actuelles. Nous l’avons vu la veille, d’autres ont fait demi-tour. Et même si le vent est moins fort, nous décidons de choisir la sécurité et de prendre une nouvelle fois une alternative. Ce n’est pas une alternative officielle du GR, mais on emprunte en revenant sur nos pas d’hier une partie d’un sentier « mare à mare ».
L’alternative
L’itinéraire du jour sera principalement une descente puis la traversée d’une forêt sans grande difficulté. Cela nous change des sentiers très minéraux de la partie nord et nous donne un aperçu de ce que peut être le sud du GR20. On mettra environ 4 h pour finir cette étape de 13 kms. À l’arrivée à Vizzavona, notre état psychologique est un peu mitigé. Le temps de se poser à la terrasse du restaurant de la Gare, nous faisons le point. Même si nous nous étions fait à l’idée de ne pas finir le GR20, ne pas pouvoir faire la dernière étape officielle à cause de la météo a été une nouvelle déception. C’est une sensation très bizarre d’arriver à la fin d’un objectif en ne l’ayant pas réalisée et qui plus ait en n’ayant pas complété l’itinéraire « officiel ».
On hésite à passer la nuit à Vizzavona… Mais finalement le gérant du camping était clairement désagréable et nous décidons de plutôt prendre le train pour aller en direction de Corte. Notre chemin s’éloigne du GR20.
Comment nous avons vécu cette expérience du GR20 nord
Pierre
Mentalement et physiquement, j’étais prêt à affronter les sentiers techniques de la Corse même si le niveau de technicité était au-dessus de ce que j’aurais pu imaginer. Je retiendrais l’étape 2 comme la plus dure pour moi. Une étape très usante psychologiquement de par son profil de montagne russe. La difficulté est souvent constante et il est donc important de ne pas lâcher.
Il est primordial prendre les étapes les unes après les autres et de ne pas doubler les premières afin de s’habituer et surtout se jauger.
Ma déception sur ce GR20 nord fut les refuges que j’ai trouvé peu adaptés pour répondre au flux des randonneurs.
Les paysages du nord sont magnifiques et chaque étape donne lieu à des points de vue uniques. Il est important de lever la tête malgré la difficulté pour profiter de cela !
Laura
Je m’étais beaucoup renseigné sur le GR avant sans trop me mettre la pression, car je doutais beaucoup de mes capacités. Quelques mois avant, j’avais des petites douleurs aux genoux qui revenaient donc j’avais essayé d’axer mon entraînement sur du renforcement musculaire. Malheureusement, cela n’a pas suffit et couplé au virus que j’ai attrapé sur le GR, j’aurai vraiment dû prendre les choses un peu plus en main.
Malgré la déception de ne pas avoir pu finir le GR20, avoir fait la partie nord était une expérience incroyable. Presque chaque jour je me disais, « c’est impensable ce que j’ai parcouru aujourd’hui ». J’ai dépassé mes limites notamment sur ma peur du vide ! Mais aussi dans mon approche de la randonnée et de la gestion de l’effort. Je sais aussi maintenant que la redondance de l’itinérance en randonnée sur autant de jours consécutifs avec toute la routine que cela implique (montage/démontage de la tente perpétuel) ne me convient pas.
impressionnant récit et sublimes photos! une aventure et un premier aperçu des plus forts, malgré le fait d’un arrêt plus tôt que prévu. résilience, persévérance, audace et sécurité, tout y est passé alors bravo! et merci pour ce partage, ça donne envie tout en reprécisant bien qu’une bonne préparation est nécessaire mais que c’est toujours la nature et nos limites du moment qui seront les critères décisifs.
en tous cas, les souvenirs sont là!
la prochaine fois, vous reprendrez depuis votre dernière étape! 😉
d’ici là, bons chemins!
Jul’
Merci Julie!
Oui parfois on a beau être bien préparé, tout peu quand même arriver et c’est pour ça qu’il faut rester à l’écoute !
Je ne sais pas si il y aura prochaine fois sur le GR20 cependant. On a d’autres projets en tête et tant de choses à voir 🙂
Tellement! Que les projets foisonnent! Profitez!
Incroyable ce que vous avez vécu !! Mon frère (guide de moyenne montagne) m’avait parlé de la difficulté de ce GR, mais sans autant de précisions. Votre récit met clairement un aspect 3D à cette randonnée.
En tout cas, malgré votre déception et ta condition physique lors de ce trek Laura, je pense que vous pouvez être fier d’avoir fait ces 9 jours, c’est vraiment cool.
Est-ce que vous pensez quand même faire la partie sud un jour ou c’est une expérience que vous ne renouvèlerai pas du tout ?
Merci Candie. On avait très envie de partager ce ressenti personnel et ces détails. Car même si il existe de nombreux récits du GR, au final on retrouve souvent les mêmes informations !
Je ne pense pas qu’on fera la partie sud un jour à vrai dire. C’est vraiment la partie nord qui nous intéressait et j’avoue que le terrain corse me motive peu à retourner là bas ! Mais il y a tant de choses à voir et à faire de partout que ce ne sera pas difficile de nous trouver d’autres objectifs.
Laura
Ah je me retrouve dans ton témoignage ! Le syndrome rotulien, la fatigue. Je n’avais pas la crève, mais je ne m’attendais pas à la dureté du voyage. De notre côté, on n’était pas du tout bien équipés pour le GR20. Du coup, on a passé 3 nuits blanches ce qui n’a pas aidé. Nous n’avions jamais eu aussi froid de nos vies je crois. Même en se mettant à deux dans le même sac on souffrait. On a fini par dormir en refuge. C’est vrai, il y avait beaucoup trop de monde dans chaque coin, c’était dingue. Pourtant sur la route, ça allait après, on ne croisait pas tant de monde que ça. Et qu’est-ce-que c’est beau !!!
Oulala ça n’a pas l’air d’avoir été une partie de rigolade pour vous non plus !
Le manque d’équipement peut vite être très difficile à vivre sur le GR20.
Pour les refuges, on va en parler plus en détail dans le deuxième article dédié au GR. Clairement, on ne se sent pas sur une autoroute la journée en rando mais les espaces où les refuges ont été implantés étaient adaptés il y a 10 ans pour le peu de personnes qui venaient sur le GR20. Cette randonnée c’est tellement « démocratisé » que ces lieux ne sont plus du tout adaptés à l’afflux malheureusement !